Facebook

CULTURE

Le mariage sahraoui : entre tradition et modernité

CULTURE

Dans les vastes étendues du Sahara marocain, où les dunes dorées côtoient un patrimoine culturel riche et intemporel, les traditions bédouines continuent de résonner. Cependant, à mesure que la modernité s'insinue dans les provinces du sud, certaines coutumes séculaires, notamment celles liées au mariage, subissent des transformations profondes. Si la condition de la femme sahraouie reste un témoignage d'émancipation depuis des siècles, l'évolution des cérémonies de mariage soulève des questions sur l'équilibre entre préservation des traditions et adaptation aux réalités contemporaines.

Une culture mise en lumière

Le 17 février 2025, le ministre marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohammed Mehdi Bensaïd, accompagné de son homologue française Rachida Dati, a visité le Sahara marocain. Cette rencontre a marqué une étape importante dans la coopération culturelle bilatérale et a contribué à mettre en lumière le patrimoine sahraoui. Des monuments historiques aux traditions ancestrales, l’objectif est clair : préserver et valoriser ce capital immatériel unique.

« Notre Sahara regorge de richesses culturelles, visibles non seulement dans ses œuvres architecturales, mais aussi dans ses us et coutumes », explique Hammadi Habbad, enseignant-chercheur en anthropologie saharienne. Cette déclaration illustre l’attention portée par le Royaume à l’héritage culturel de ses provinces du sud.

Une tradition en transition

Parmi les traditions sahraouies, les cérémonies de mariage occupent une place particulière. Autrefois, ces festivités s’étendaient sur plusieurs jours : sept jours pour une femme vierge et trois pour une femme déjà mariée, selon Salem Ouakari, docteur en histoire et patrimoine saharien. Aujourd’hui, sous l’influence de la mondialisation et des changements de mode de vie, ces célébrations se réduisent souvent à deux jours, un pour la famille de l’épouse et un pour celle du marié.

Ce raccourcissement du rituel n’est pas la seule évolution notable. Certaines pratiques, autrefois centrales, ont disparu. « La tente Rek, où avait lieu la consommation du mariage, n’existe plus. De même, le "Terwagh", une tradition où la mariée était symboliquement enlevée par ses amies pour être libérée par son époux, a disparu », regrette Ouakari. En revanche, la dot, appelée dbach, s’est modernisée : les jeunes mariées ne reçoivent plus de bétail ou de biens nomades, mais des équipements ménagers modernes.

Diversité régionale et influence de la modernité

Les mutations des traditions varient également selon les régions. À Guelmim-Oued Noun, par exemple, une coutume consistait à cultiver de la farine en préparation des noces. Cette pratique, absente dans les régions de Saguia el-Hamra et d’Oued Ed-Dahab, reflète la diversité des coutumes sahraouies. Malgré ces transformations, certaines valeurs demeurent inébranlables, notamment le rôle central de la femme.

La femme sahraouie : figure d’émancipation

Contrairement aux profondes mutations de la vie bédouine, la condition de la femme sahraouie semble avoir résisté aux assauts du temps. Azza Beyrouk, chercheuse en patrimoine hassani, souligne que la femme sahraouie a toujours bénéficié d’une forte autonomie. « Dans notre société, la femme a longtemps vécu sous des tentes, tandis que son époux voyageait pour subvenir aux besoins de la famille », explique-t-elle.

Cette indépendance s’incarne également dans les responsabilités traditionnelles des femmes. « C’est la femme sahraouie qui fabrique la tente dans laquelle elle vit, du début à la fin », précise Beyrouk. Ces compétences, valorisées au sein de la communauté, renforcent la place centrale des femmes dans la société sahraouie.

Même dans les interactions sociales, une forme de respect mutuel perdure. « Lorsque les repas sont partagés, les hommes coupent la viande pour les femmes afin qu’elles mangent à leur faim », se remémore Beyrouk. Cette attention témoigne d’une considération particulière pour les femmes, que l’on retrouve également dans la poésie hassanie, où elles occupent une place prépondérante dans près de 80 % des poèmes.

Héritage et défis

Si les traditions sahraouies continuent de fasciner, elles doivent aujourd’hui faire face aux défis posés par la modernisation et la mondialisation. La disparition de certains rituels soulève des questions sur la préservation d’un patrimoine immatériel fragile. Mais au-delà des changements, la culture sahraouie demeure un témoignage vivant de résilience et de richesse humaine.

Dans cette quête d’équilibre entre tradition et modernité, le mariage sahraoui incarne à lui seul les tensions et les harmonies qui définissent cette région du Maroc. À travers ses transformations, il reflète une société en mouvement, attachée à ses racines tout en s’ouvrant au monde.