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Dans l'Univers cinématographique de Kamal Hachkar

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Kamal Hachkar Kamal Hachkar est un réalisateur franco-marocain né à Tinghir de parents amazighs de confession musulmane. Il quitte à l’âge de six mois son pays natal avec sa mère pour la France, où travaille son père comme ouvrier depuis 1968. Son enfance est jalonnée de vacances estivales à Tinghir. C’est de cette vie d’immigré dont il a tiré tendresse et solidarité vis-à-vis des exilés et des déracinés en général. Il obtient une maîtrise d’histoire médiévale des mondes musulmans à La Sorbonne. En 2005, il passe son certificat d’aptitude au professorat de l'enseignement du second degré et devient enseignant. En 2013, il réalise son premier documentaire, Tinghir-Jérusalem : Les Échos du mellah, qui traite de La vie et La cohabitation de famiLLes berbères musuLmanes et juives dans La viLLe de Tinghir au temps du protectorat français au Maroc. Le fUm engendre une poLémique au Maroc, mais KamaL Hachkar, teL qu’iL la conçu, y voit notamment une présentation d’une facette du Maroc pLuriel Découvrons ensembLe L’univers cinématographique de cet artiste engagé. Peut-on dire que vos origines sont la source de votre inspiration ? Effectivement, L’origine a toujours été pour moi une vraie question, mais pLus que La question de L’origine, iLy a ceLLe d’identité qui a toujours été source d’interrogations pour moi. L’identité est en construction, jamais fixe et toujours mouvante, eLLe est égaLement fortement Liée à mon histoire famiLiaLe personneLLe. Le fait d’être né à Tinghir dans Le sud-est marocain, de venir d’un miLieu ouvrier popuLaire, d'une maman qui n’a jamais été à L’écoLe, tout ceLa m’a nourri. Mon père a immigré en 1968 en France, iL avait 16 ans. IL nous fait venir avec ma mère par regroupement famiLiaL en 1977, j’avais 6 mois. Je suis né dans une maison en terre de pisé au Hot Topics cœur de Tinghir. Cela a été Le décor de mon enfance chaque vacance. Mon histoire franco-marocaine est une formidable source d'inspiration pour moi. Je me sens autant français que marocain et parallèlement j’opère une espèce de mise à distance. J’ai toujours ressenti une forme d’étrangeté. Par conséquent Je me suis intéressé aux étrangetés de ma culture : les juifs, les femmes qui chantent l’amour sans tabou à travers le Ahidous, des personnes comme la diva Hadda Ouâkki ou la poétesse Mririda N’art Attiq qui sont des étrangetés. Mon film « Tassanou Tayrinou », sur l’amour, les met en valeur. C'est pour cela que je ne supporte pas les instrumentalisations autour de ces questions d’identité. L’art est là pour transcender toutes ces questions majeures, pour essayer de trouver au-delà de nos singularités propres qui • • • sont importantes à conserver, cette dimension universelle qui fait que c’est ça qui nous met en Lien avec les gens. C’est pour cette raison que dans mes oeuvres, la question de l’identité et de L’origine est toujours en rapport avec L’Autre, pas pour s’exclure ou diviser, mais plutôt essayer de trouver ce qui peut nous rassembler tout en conservant nos particularités. En somme, j’ai un attachement sentimental affectif et poétique à mes identités. Quel est votre souvenir d’enfance le plus fort ? Je n'ai pas un souvenir seulement, mais un ensemble de souvenirs qui au final regroupent un peu la même chose. Je vais parler de mon enfance qui a été marquée par tous mes déplacements, mon père était ouvrier dans les centrales nucléaires, d’ailleurs on a fait toute à La géographie des centrales, chimiques, hydrauliques, nucléaires de France. On a déménagé chaque année jusqu’à mes il ans. Aller au Maroc était une véritable épopée depuis la France. C’était magique ^ de faire ces 3000 kms. C’est toute une enfance marquée par beaucoup de tendresse et de joie, les étés à Tinghir étaient toujours festifs avec les mariages, La musique 1 et la famille. Comme je vous L’ai dit, 1 Hot Topics je suis né dans cette grande maison en terre avec une vue incroyable sur la palmeraie, une cuisine amazighe avec le four à pain en terre. Pour moi, ce sont des souvenirs incroyables et je me réjouis de redécouvrir ces mêmes sensations merveilleuses à chaque fois que je suis à Tinghir. Quel est le secret derrière le grand débat suscité par votre premier documentaire « Tinghir Jérusalem : Les Echos du Mellah », nommé meilleur film au Festival International des Droits de l’Homme de Rabat, meilleur film au Festival National du Film de Tanger et meilleur documentaire au Festival International du Film Juif ? Franchement, il n’y a aucun secret. C'est un film que j’ai fait avec mes tripes, avec mon coeur et mon âme, il y avait un désir vital de vouloir raconter cette histoire de coexistence entre juifs et musulmans avec la volonté d'inscrire dans la pellicule quelque chose qui n’a jamais été racontée ici et qui a été pendant longtemps tabou. De mon côté, je ne savais même pas comment le film allait être perçu ou circuler. Le film a eu beaucoup de succès et a énormément circulé dans les festivals internationaux. Il a été diffusé en prime Time sur 2M. lia reçu beaucoup de prix et j’ai accompagné mon film aux quatre coins du monde. L’accueil a toujours été extrêmement chaleureux et positif. Je pense que les gens ont senti la nouveauté mais surtout La sincérité de ma démarche. Donc il y a juste le secret de vouloir faire un travail profond basé sur • •• une vraie réflexion, sur qui nous sommes et sur cette question de La diversité. Ce film ouvre aussi d’autres débats, d’autres perspectives sur le vivre-ensemble, sur comment vivre quand on est différents, pas seulement entre juifs et musulmans, mais aussi entre les femmes et les hommes et toutes Les autres minorités. Sur quels critères basez-vous votre choix des personnages ? Pour le documentaire, c’est vrai qu’il y a une forme de casting car quand on fait nos repérages sur Le terrain, on rencontre beaucoup de gens, lia fallu choisir ceux qui étaient les plus intéressants, les plus émouvants et qui avaient des choses à dire. Pour moi, c’était à la fois ceux qui avaient des choses très profondes à dire, comme Hnini Chmouyane et Aïcha Elkoubi qui étaient extrêmement émouvantes à travers leur chant ou Shalom llouz qui parlait aussi La Langue amazighe. Donc mes choix sont guidés par L’histoire que j’ai envie de raconter, par la beauté des personnages et par Leur intensité. Car au-delà de leurs histoires personnelles, ils ont quelque chose d'extrêmement universelle à partager avec nous. • •• Hot Topics Parlez-nous de votre dernier film « Dans tes yeux, je vois mon pays » sur l’héritage musical judéo-marocain, qui a marqué la 18ème édition du Festival International du Film de Marrakech ? C’est un projet que j’ai commencé très vite après ‘Tinghir Jérusalem’ mais entre-temps j’ai réalisé ' Tassanou Tayrinou un road movie musical sur L’amour à travers les voix de femmes amazighes. J’ai aussi réalisé deux courts métrages. Je savais qu’après " Tinghir Jérusalem ", je n’avais pas fini avec la thématique judéo-marocaine. En 20i2,je rencontre Les magnifiques artistes Neta Elkayam et son mari Amit Hai Cohen qui revisitent notre patrimoine musical. « Dans tes Yeux Je vois mon Pays » est le portrait de ces deux artistes qui vivent à Jérusalem et qui chantent en Darija. C’est aussi un road movie entre Jérusalem et le Maroc, nous sommes allés sur les traces de leurs ancêtres. Neta est originaire de Tinghir, nous sommes tous Les deux des enfants de Tinghir. Amit est aussi amazigh deTizgui. On les suit donc dans ce périple au Maroc pour comprendre comment on fait quand on a cet héritage et qu’on vit ailleurs tout en étant engagés à le faire perdurer. C’est finalement un prolongement de mes questions existentielles que j’essaie de traiter dans mes films. L’art permet de transcender nos interrogations identitaires. Pour eux, on comprend qu’ils réinvestissent Leur marocain ôte par La musique afin de réparer aussi les blessures de l’exil de leurs parents et grands-parents qui ont quitté Le Maroc dans les années 50. Ce film a été montré en avant-première mondiale au Festival International du Film de Marrakech en décembre 2019, ensuite il a été présenté au Festival National du Film de Tanger où j’ai reçu Le prix spécial du jury, lia également fait sa première internationale à Hot Docs, le grand festival de documentaires basé à Toronto. Il continue d’être sélectionné dans plusieurs festivals à travers Le monde. Usera diffusé sur 2M en l’hiver prochain dans la case des Histoires et des Hommes. Pourquoi que « des thèmes d’Hîstoire » ? D’abord, il faut savoir que j’ai enseigné l’Histoire pendant 13 ans à Paris. J’avais cette envie d’inscrire ma petite histoire dans la grande Histoire. J’ai toujours adoré écouter les récits que mes grands-parents me racontaient sur les périodes de « Siba », • •• Hot Topics Hommage rendu à Kamal Hach-kar lors de « Al Akhawayn short film festival » en 2018 pour son film "Tinghir Jéru- salem : les Echos du Mellah. " sur Les guerres tribales entre tribus berbères et sur La présence française au Maroc. Face à eux J’ai pris conscience d’où je venais avec nos traditions, notre Langue, cette Amazighité qui m’habite aujourd'hui. Le sens que je donne à ma vie c'est de parvenir à concilier mes singularités propres avec L’universel. Et c’est ce que j’essaie de faire à travers mes films : raconter des histoires particulières qui peuvent toucher le monde entier, où les spectateurs puissent s’identifier. De toutes Les façons, j’ai toujours été passionné par l’Histoire. J'ai même fait un mémoire de maîtrise sur la dynastie des Idrissides. Cependant, mes films ne sont pas des oeuvres à proprement historiques. Je me Laisse le choix et la Liberté d’être aussi dans la sensibilité et la poésie. Un dernier message que vous souhaitez adresser à la jeunesse marocaine ? J’ai envie de leur dire de fuir La médiocrité, de s’engager, de lire, de s’instruire, d’aller au cinéma, d’aller au théâtre. Je sais aussi que nous avons peu de salles de cinéma et de théâtre. A Tinghir, • •• je rencontre beaucoup dejeunes talentueux alors qu’ils n’ont pas Les réseaux pour s’en sortir forcément. Notre région a Longtemps été marginalisée par le pouvoir central. Il y a un tel retard en termes d’équipements culturels. Certes, aujourd’hui des efforts sont faits. On essaie de rattraper Le temps perdu. Je mesure face à eux Le privilège que j’ai eu de grandir en France. Ces jeunes me bouleversent par Leur soif d’apprendre et je suis fier de voir comment ils parviennent à être dans leurs désirs, à étudier, à être conscientisés politiquement. J’invite tous les jeunes d’aller à La rencontre d'autres cultures, de livres, de voir des films. Ce sont des nourritures spirituelles et intellectuelles qui nourrissent l'Homme et qui, j’en suis sûr, nous rendent meilleurs. Les échos du mellah Majda CHARKANI