

Devenu viral sur TikTok, le « Chubby Filter » – ou « filtre potelé » – suscite un vif débat sur les réseaux sociaux. Tandis que certains utilisateurs s’en amusent, d’autres dénoncent une tendance qu’ils jugent grossophobe et aliénante, remettant en question les standards de beauté et l’impact psychologique des outils numériques.
Le « Chubby Filter », disponible sur l’application de montage CapCut, utilise l’intelligence artificielle pour transformer les traits du visage et du corps à partir d’une simple photo. En quelques secondes, l’image d’origine est modifiée : la silhouette gagne des kilos, les traits s’arrondissent, et parfois, comme l’a montré une vidéo virale de l’utilisatrice @laurajaynexox, des détails inattendus sont ajoutés. Dans son cas, l’IA a même remplacé un verre de vin tenu dans sa main par… une crème glacée, poussant encore plus loin les stéréotypes.
Si ce filtre amuse certains utilisateurs, qui n’hésitent pas à partager leurs transformations sur TikTok, les réactions sont souvent teintées de rejet et de moquerie. Les commentaires ne manquent pas de souligner un certain dégoût face à ces transformations corporelles : « Oh mon dieu, non », « j’ai l’air horrible » ou encore « je peux pleurer ». Une vidéo de @demi_jane1, cumulant plus de 13 millions de vues, illustre cette tendance. Après avoir appliqué le filtre, elle écrit : « Si cela ne me donne pas envie d’aller à la salle de sport, je ne sais pas ce qui le fera. »
Cette popularité du filtre n’a pas tardé à diviser les utilisateurs. Sur TikTok, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer une vision jugée toxique et régressive. Certains réclament même la suppression pure et simple de cet outil, comme en témoigne un article de la BBC. Nina, une internaute interrogée par le média, s’indigne : « C’est une vision toxique dont je pensais que nous nous éloignions. Si un filtre est clairement offensant, il doit être supprimé. »
Ces critiques mettent en lumière un problème plus large : la perpétuation des normes étroites de beauté centrées sur la minceur. Alors que ces dernières années, le mouvement body-positive semblait avoir gagné du terrain en valorisant l’acceptation de soi et la diversité corporelle, le « Chubby Filter » apparaît comme un retour en arrière pour de nombreux observateurs.
Le Dr Emma Beckett, spécialiste de l’alimentation et de la nutrition, partage cet avis. Dans les colonnes de la BBC, elle décrit cette tendance comme « un énorme pas en arrière » en matière de lutte contre la stigmatisation du poids. Selon elle, de tels outils « poussent les gens à se conformer à des normes étroites de beauté et de santé, plutôt que de trouver ce qui fonctionne le mieux pour leur propre corps », avec des conséquences néfastes sur la santé mentale et physique.
Les filtres numériques, omniprésents sur les réseaux sociaux, sont souvent perçus comme des outils ludiques. Pourtant, leur influence sur l’image de soi est indéniable. Si certains utilisateurs abordent le « Chubby Filter » avec humour, d’autres témoignent de l’inconfort, voire du malaise, que suscite un tel changement de leur apparence.
Cette polémique rappelle que ces outils ne sont jamais neutres. Ils véhiculent des messages, parfois implicites, sur ce qui est considéré comme « beau » ou « acceptable » selon des standards culturels dominants. Dans le cas du « Chubby Filter », la transformation physique associée à des réactions négatives illustre une fois de plus l’étroitesse de ces normes.
Cette controverse s’inscrit dans une problématique plus large : celle de l’impact des réseaux sociaux sur nos perceptions des corps et de la beauté. Les filtres, s’ils permettent parfois de s’amuser ou d’explorer son apparence de façon créative, renforcent également des idéaux souvent inaccessibles et irréalistes.
Dans un monde de plus en plus connecté, où l’apparence en ligne peut influencer l’estime de soi, il est essentiel de questionner ces tendances. Le « Chubby Filter » n’est pas un cas isolé : il s’ajoute à une longue liste d’outils numériques qui façonnent, parfois insidieusement, la manière dont les individus se perçoivent et se comparent aux autres.
Alors que les appels à la suppression de ce filtre se multiplient, cette polémique pourrait bien devenir un tournant dans la régulation des outils numériques et des normes qu’ils imposent. L’enjeu, au-delà des réseaux sociaux, est de promouvoir une vision plus inclusive et bienveillante des corps, où chacun trouve sa place sans pression ni jugement.