

Par temps de jeûne et de réflexion, les réseaux sociaux deviennent un piège omniprésent, détournant l’attention des croyants de l’essentiel.
Flâner sur TikTok, Instagram ou Facebook pour « tuer le temps » en attendant l’appel du muezzin est une habitude qui s’installe doucement mais surement, particulièrement pendant le Ramadan, période de spiritualité et de recentrage. Pourtant, ce qui semble anodin au départ peut rapidement se transformer en une addiction numérique, entraînant des conséquences bien plus lourdes qu’un simple passe-temps.
Le scrolling compulsif, ou l’acte de faire défiler sans fin du contenu en ligne, est devenu un comportement courant. Rim Akrache, psychologue clinicienne et neuropsychologue, explique que ce phénomène peut provoquer une surcharge d’informations, souvent anxiogènes, ce qui engendre stress, troubles du sommeil et anxiété.
« Ce comportement répond aux critères d’une addiction : compulsion, perte de contrôle et répercussions négatives sur la vie personnelle et professionnelle », souligne-t-elle. Pendant des périodes particulières comme le Ramadan, où la concentration et la spiritualité devraient être au centre des activités quotidiennes, cette tendance peut devenir encore plus problématique. « Elle monopolise l’esprit et crée une barrière à la mise en place de pratiques spirituelles essentielles », ajoute-t-elle.
Marouane Harmach, consultant en médias sociaux et intelligence artificielle, met en lumière un autre facteur : les algorithmes des plateformes numériques. « Les réseaux sociaux sont conçus pour capter l’attention des utilisateurs et maximiser leur engagement, en proposant du contenu personnalisé en fonction de leurs comportements », explique-t-il. Pendant le Ramadan, ces plateformes adaptent leurs stratégies, mettant en avant des vidéos sur la spiritualité, des recettes de ftour ou des défis caritatifs, incitant ainsi les utilisateurs à rester connectés.
Le scrolling compulsif n’est pas sans conséquences sur la spiritualité des croyants. Le mois de Ramadan est censé être une période de ressourcement, d’introspection et de renforcement de la foi. Amina Naitsi, professeure et membre du Conseil local des ouléma d’Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi, rappelle avec insistance que « le Ramadan est une opportunité de se recentrer sur la prière, la lecture du Saint Coran et la méditation, loin des distractions des écrans ».
Elle cite un hadith du Prophète Mohammed (paix et salut de Dieu soient sur lui) : « Il y a deux bienfaits dont beaucoup ne tirent pas profit : la santé et le temps libre ». Selon elle, mal gérer son temps libre en le consacrant aux réseaux sociaux peut éloigner le croyant de l’essentiel. « Passer des heures à scroller distraitement, c’est se priver de moments précieux de connexion avec Dieu et de réflexion intérieure », avertit-elle.
Face à ce constat, des solutions existent pour contrer l’addiction numérique et recentrer le Ramadan sur sa vocation spirituelle. La psychologue Rim Akrache recommande d’investir dans des pratiques enrichissantes comme la méditation, la pleine conscience ou des activités sociales. « Remplacez le temps passé en ligne par des lectures inspirantes, des échanges avec vos proches ou des moments de prière », suggère-t-elle.
Marouane Harmach, quant à lui, plaide pour une utilisation plus consciente des réseaux sociaux. « Fixez des limites claires, désactivez les notifications inutiles et réservez des plages horaires spécifiques pour les médias sociaux », conseille-t-il. Ces gestes simples permettent d’éviter de tomber dans les pièges du scrolling passif.
D’un point de vue religieux, Amina Naitsi appelle à la discipline. « Il est essentiel d’établir un équilibre entre l’usage des écrans et la pratique spirituelle. Privilégiez les moments de prière, de lecture et de réflexion, qui nourrissent l’âme et renforcent la foi », conclut-elle.
Le Ramadan est une période unique, une pause dans le tumulte du quotidien pour se recentrer sur l’essentiel. Pourtant, pour certains, les flux infinis des réseaux sociaux prennent le dessus, les éloignant de ces moments de prière et de méditation qui élèvent l’âme. Alors que les algorithmes continuent de dicter les comportements en ligne, la question reste ouverte : les utilisateurs parviendront-ils à retrouver leur équilibre et à débrancher… avant que le prochain « reel » ne les emporte à nouveau ailleurs ?