Facebook

Santé

Mieux manger sans se frustrer : les conseils de Leila Chami

Santé

Alimentation, perte de poids, idées reçues : dans un monde où les infos nutritionnelles se contredisent à la vitesse d’un scroll, comment s’y retrouver ? Pour démêler le vrai du faux, nous avons posé toutes nos questions à Leila Chami, diététicienne-nutritionniste, qui nous partage ses conseils pour mieux manger… sans culpabiliser.

R : Bonjour Leila ! Avant de parler nutrition, racontez-nous un peu votre parcours. Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?

L : Bonjour, et merci pour cette belle invitation !

Je suis issue d’une lignée de pharmaciennes : ma grand-mère tenait une officine et ma mère dirige un laboratoire d’analyses. J’ai donc naturellement poursuivi cette voie en devenant docteure en pharmacie. Parallèlement, j’ai grandi dans une cuisine pleine de vie, où l’amour des saveurs et du partage m’a profondément marquée. Cette double passion m’a conduite, par la suite, à obtenir un diplôme d’État en diététique et nutrition. Aujourd’hui, ma mission est d’aider chacun à mieux manger sans jamais sacrifier le plaisir.

R : Pourquoi peut-on avoir du mal à perdre du poids, même quand on pense bien manger ?

L : Parce que "manger sain" ne signifie pas toujours "manger adapté à ses besoins". On peut consommer des aliments de qualité nutritionnelle, riches en bons nutriments, mais mal les assembler, en quantités trop importantes ou au mauvais moment. Résultat : une alimentation perçue comme équilibrée qui, en réalité, ne l’est pas forcément pour la personne qui la suit.

Il y a aussi tout ce que l’on ne voit pas dans l’assiette : le stress chronique, les déséquilibres hormonaux (comme l’insulinorésistance, le SPM ou l’hypothyroïdie), le manque de sommeil ou encore l’état du microbiote intestinal. Autant de facteurs qui peuvent freiner, voire bloquer, une perte de poids. Le corps humain n’est pas une simple calculatrice à calories. Il réagit à son environnement, à ses émotions et à son rythme de vie. C’est pourquoi je parle toujours d’une approche globale, individualisée et durable. Parce qu’au fond, bien manger, ce n’est pas seulement choisir de "bons" aliments, c’est surtout apprendre à manger de façon juste et adaptée à soi.

R : Est-il nécessaire de supprimer les glucides pour perdre du poids ?

L : Non, et heureusement ! Il n’est absolument pas nécessaire, ni recommandé, de supprimer complètement les glucides pour perdre du poids. Les glucides ne sont pas "l’ennemi" : ils sont essentiels à de nombreuses fonctions métaboliques, notamment pour le cerveau, le système nerveux, l’équilibre hormonal et la récupération musculaire. Ce qui compte, c’est leur qualité, leur quantité et leur moment de consommation.

Pour perdre du poids, on vise un rééquilibrage : moins de glucides ultra-transformés (pain blanc, viennoiseries, sodas…), et davantage de glucides complexes à index glycémique bas. L’objectif n’est donc pas de tout éliminer, mais d’apprendre à adapter ses apports à son rythme de vie, son niveau d’activité et ses besoins personnels.

R : Pouvez-vous nous donner une méthode simple pour composer une assiette équilibrée ?

L : Bien sûr ! Une assiette équilibrée repose avant tout sur la place centrale des légumes : ce sont eux qui doivent occuper la plus grande part, à chaque repas, ou presque. Ils apportent des fibres, des antioxydants, des vitamines, du volume… et surtout, ils soutiennent la digestion, la satiété, le microbiote et la régulation de la glycémie.

Je recommande souvent une répartition simple et visuelle :

- ½ assiette de légumes (cuits, crus, ou les deux), variés, colorés, et idéalement de saison.

- ¼ de protéines de qualité (comme du poisson, des œufs, des légumineuses, de la volaille).

- ¼ de glucides complexes, pour faire le plein d’énergie sans faire exploser la glycémie.

On n’oublie pas une source de “bonnes” graisses (huile d’olive, avocat, graines…), essentielle pour l’absorption des vitamines et l’équilibre hormonal.

R : En cas de petit creux, que conseillez-vous pour éviter les grignotages inutiles ?

L : Pour moi, un bon snack, c’est un encas qui ralentit la digestion, prolonge la satiété, limite les variations d’insuline et soutient une énergie plus constante. Pour cela, l’idéal est de combiner fibres + protéines + bonnes graisses.

Voici quelques exemples simples et efficaces :

- Un yaourt nature (ou grec) avec un fruit entier et quelques graines.

- Une poignée de fruits secs naturels ou toastés avec un carré de chocolat noir à 85 %.

- Du pain complet avec un peu de purée d’oléagineux (100% naturelle) ou de fromage frais.

- Du houmous avec des bâtonnets de carottes ou de concombres.

Gardons en tête que la collation n’est pas obligatoire : si la faim n’est pas là, on n’a pas besoin de manger par automatisme. L’écoute du corps reste un pilier essentiel dans toute démarche nutritionnelle durable.

R : Y a-t-il des aliments que l’on croit bons pour la santé mais qui ne le sont pas vraiment ?

L : Il existe de nombreux aliments qui, en apparence ou par effet marketing, semblent être de “bons choix santé”, alors qu’en réalité, ils peuvent être riches en sucres ajoutés, en graisses de mauvaise qualité, ou très transformés. Ces "faux amis" ne sont pas forcément à bannir, mais ils méritent d’être consommés avec plus de recul, et surtout, en connaissance de cause.

Parmi les plus fréquents :

- Les jus de fruits, même “100 % pur jus” : ils sont riches en sucres rapides, ne contiennent pas les fibres du fruit entier et provoquent un pic glycémique comparable à celui d’un soda.

- Les barres de céréales industrielles : malgré une image “healthy”, elles contiennent souvent des sucres ajoutés, des sirops, des huiles de mauvaise qualité et des additifs.

- Les produits allégés ou "0 %" : en réduisant les graisses, on altère souvent le goût, ce qui pousse à ajouter des édulcorants, des épaississants ou des arômes artificiels. Et surtout, on a tendance à en consommer davantage en pensant qu’ils sont “moins caloriques”, ce qui maintient les mêmes habitudes de consommation sans véritable amélioration nutritionnelle.

- Les galettes de riz soufflé : leur index glycémique très élevé entraîne une hausse rapide de la glycémie, suivie d’un retour brutal de la faim.

- Les laits végétaux aromatisés (chocolat, vanille, etc.) : souvent très sucrés, leur image “végétale = sain” masque une faible valeur nutritionnelle réelle.

- Les granolas et mueslis industriels : selon les marques, certains peuvent contenir plus de sucre qu’un bol de céréales classiques.

L’idée n’est pas de tout diaboliser, mais d’apprendre à faire des choix plus éclairés. L’étiquette “santé” ne suffit pas à garantir un bon profil nutritionnel. Le plus efficace est de favoriser les aliments bruts, de lire les ingrédients avec un œil critique, et surtout d’adopter une approche durable, souple et informée.

R : Et les compléments alimentaires ? Sont-ils réellement utiles ou est-ce une mode ?

L : C’est utile… mais seulement quand c’est justifié. En tant que pharmacienne, je fais toujours attention à la qualité du complément, à sa biodisponibilité, et surtout à son indication réelle. Certaines situations nécessitent une supplémentation ciblée : carence en vitamine D, déficit en magnésium, troubles digestifs, fatigue chronique, déséquilibres hormonaux… Cela dépend aussi de la période de vie dans laquelle on se trouve. L’essentiel, c’est de ne pas prendre de compléments “au hasard”. On ne remplace pas une bonne alimentation par une gélule ! On complète uniquement quand c’est nécessaire, avec une approche personnalisée et réfléchie.

R : Quels sont les conseils que vous donnez le plus souvent en consultation ?

L : En consultation, j’insiste beaucoup sur une idée clé : le changement passe par les habitudes. Il n’est jamais question d’une transformation radicale en quelques jours, mais plutôt d’accumulation de petits gestes cohérents qui, à terme, changent profondément la manière de manger et de vivre son alimentation.

Parmi les conseils que je donne régulièrement :

- Structurer les repas autour d'horaires stables.

- Manger lentement, en prenant le temps de mastiquer et d’apprécier les repas.

- Écouter ses sensations : apprendre à reconnaître la vraie faim, la satiété, et non les envies dictées par les émotions ou les habitudes.

- Favoriser les aliments bruts (fruits, légumes, légumineuses, poissons, céréales complètes), en limitant les produits ultra-transformés.

- Maintenir une hydratation régulière, souvent négligée mais fondamentale pour la santé.

- Inclure des légumes à midi et au diner, et ne pas oublier sa ration de fruit journalière (1-2 pièces).

- Ajuster les portions sans frustration.

- Bouger quotidiennement, sans forcément parler de "sport intensif". Parfois, 30 minutes de marche active ou quelques étirements suffisent.

- Soigner son sommeil, qui influence directement la faim, la régulation du poids et le comportement alimentaire.

- Être flexible : comprendre que l'équilibre se construit sur l'ensemble d’une semaine, pas à l’échelle d’un seul repas.

R : Est-il nécessaire d’adapter son alimentation quand on prend une contraception hormonale ou pendant certaines phases du cycle ?

L : Oui, et c’est souvent un aspect qu'on oublie de prendre en compte. L'alimentation peut vraiment soutenir l’équilibre du corps face aux changements hormonaux, qu'ils résultent d’une contraception ou du cycle naturel.

Par exemple, la pilule peut réduire l'absorption de certains micronutriments essentiels comme les vitamines B6, B9, B12, le magnésium, le zinc ou encore le sélénium. Avec le temps, cela peut influencer l’énergie, l’humeur ou même la qualité de la peau. Pour accompagner cela, je conseille d’inclure régulièrement dans l’alimentation des légumes verts, des légumineuses, des oléagineux, des fruits de mer et des céréales complètes, afin d'apporter naturellement ces nutriments.

Les besoins évoluent également pendant les règles : on perd du fer, l’inflammation peut augmenter, et le confort digestif peut être perturbé. Il devient alors utile de renforcer l’apport en fer (viande rouge, lentilles, fruits secs), de soutenir l’équilibre anti-inflammatoire avec des oméga-3 (poissons gras, graines de lin, noix) et d’apporter du magnésium (chocolat noir, amandes, banane) pour mieux gérer la fatigue et relâcher les tensions musculaires.

Enfin, bien s'hydrater joue aussi un rôle important pour limiter la rétention d’eau et favoriser le confort général. L’idée, c’est d’aider le corps à mieux traverser ces phases, tout en gardant une approche simple et naturelle.

R : Pour finir, quelle est votre règle d’or pour mieux manger sans tomber dans l’obsession ?

L : Ma règle d’or, c’est de remettre l’équilibre et le plaisir au cœur de l’alimentation. Mieux manger ne veut pas dire tout contrôler ni se priver. C’est apprendre à écouter son corps, à comprendre ses vrais besoins et à avancer avec souplesse et non avec rigidité.

L’objectif n’est pas d’atteindre une perfection irréaliste, mais de construire des habitudes solides, tout en gardant une vraie liberté : celle de savourer une assiette équilibrée comme celle d'apprécier un moment gourmand sans culpabiliser.

Je crois profondément qu’une alimentation durable repose sur l'écoute, la flexibilité, la bienveillance envers soi-même, et non sur des injonctions strictes.

Ma méthode est toujours de transmettre aux patients les clés nécessaires pour qu’ils puissent avancer de manière autonome, à leur rythme, et construire une relation durable, sereine et libre avec leur alimentation.