

Le jeûne du Ramadan, bien que bénéfique sur le plan spirituel, peut représenter un défi pour notre organisme. Changements d’horaires, adaptation du système digestif, équilibre entre qualité et quantité des aliments… Autant de sujets qui nécessitent une expertise pointue. Pour en savoir plus, nous avons interviewé le Docteur Lotfi Zeghari, maître de conférences à l’Institut des Sciences du Sport de Fès et spécialiste en nutrition. Dans cette interview, il décrypte les enjeux nutritionnels du Ramadan et propose des solutions pour jeûner en toute sérénité.
Les principaux défis nutritionnels pendant le Ramadan sont multiples. Il y a des défis liés au mode de vie en général, et d'autres spécifiques aux habitudes alimentaires, qui changent en raison du jeûne. On jeûne environ 15 à 16 heures par jour, et la période où l'on peut manger est réduite à environ 8 heures. Cela crée un certain malaise au début, notamment pendant la première semaine ou les dix premiers jours, en raison du bouleversement des horaires de prise de nourriture.
Le deuxième défi est que la majorité des repas sont pris la nuit. Cela affecte le système digestif, qui a besoin de temps pour s'adapter. Quand on parle du système digestif, on fait référence au microbiote intestinal, aux bactéries qui aident à la digestion, ainsi qu'aux enzymes digestives. Tous ces mécanismes, glandes et organes doivent s'ajuster, ce qui représente un défi important.
Le troisième défi concerne la qualité et la quantité des aliments. La qualité de l'alimentation peut s'améliorer pendant le Ramadan, car il y a souvent une grande variété de plats disponibles, incluant des sources de protéines, de lipides, de glucides et de sucres. Cependant, le problème réside dans la quantité : on a tendance à manger beaucoup, ce qui peut compromettre l'objectif principal du jeûne, qui est de rester en bonne santé.
Le Ramadan n'est pas nécessairement le moment idéal pour changer ses habitudes alimentaires de manière durable. Comme expliqué précédemment, le mode de vie alimentaire change radicalement pendant ce mois, que ce soit en termes d'horaires, de qualité ou de quantité des aliments. Beaucoup de personnes considèrent le Ramadan comme une période de détente et de plaisir, et ne mangent pas comme ils le feraient habituellement.
Cependant, si l'on ne souffre pas de maladies métaboliques ou chroniques nécessitant une prise en charge nutritionnelle spécifique, on peut se faire plaisir tout en faisant attention aux quantités. Comme le dit l'adage : "Rien n'est toxique, tout est toxique, c'est la dose qui fait le poison." Il est donc essentiel de modérer les quantités consommées. Le Ramadan n'est pas une opportunité pour initier un changement radical, mais plutôt pour prendre conscience de ses habitudes alimentaires.
Un ftour équilibré doit inclure une variété de nutriments essentiels : minéraux, fibres, glucides à index glycémique faible, protéines et lipides (les bons gras). Traditionnellement, on commence par des dates, mais il ne faut pas en abuser. Les dates, bien que naturelles, contiennent une quantité importante de sucre. Consommées à jeun, elles provoquent une digestion rapide, ce qui entraîne un pic d'insuline et une augmentation rapide de la glycémie. Cela peut favoriser le stockage des excès de sucre sous forme de graisse.
Il est également important d'éviter les aliments qui combinent sucre et gras, comme certains gâteaux traditionnels (par exemple, la chebakia). Si on en consomme, il vaut mieux les manger en fin de repas pour ralentir leur digestion et limiter l'impact sur la glycémie. Enfin, il faut éviter les jus, même naturels, car ils provoquent une augmentation rapide de la glycémie.
Le shour est essentiel et ne doit pas être sauté. C'est le dernier repas avant une longue période de jeûne. Il ne faut pas manger en grande quantité ni boire excessivement d'eau, car le corps ne peut pas stocker l'eau comme le ferait un chameau. Il est préférable de boire régulièrement entre le ftour et le shour.
Pour avoir de l'énergie tout au long de la journée, privilégiez les glucides complexes à index glycémique faible, comme le pain complet, les pâtes complètes ou le riz. Ces aliments libèrent de l'énergie progressivement. Un produit laitier, comme le lait fermenté, est également recommandé. Il contient de la caséine, une protéine à digestion lente qui fournit des nutriments sur une longue période.
Mon message est simple : restez dans l'équilibre et faites-vous plaisir, mais sans excès. Pendant le Ramadan, il y a souvent deux types de personnes : celles qui prennent du poids et celles qui en perdent. Cependant, dans les deux cas, il y a souvent une augmentation du pourcentage de graisse corporelle. Par exemple, si vous pesez 60 kg au début et à la fin du Ramadan, une analyse de composition corporelle pourrait révéler que vous avez perdu de la masse musculaire et gagné de la graisse.
Pour éviter cela, maintenez une alimentation équilibrée, privilégiez les aliments à index glycémique faible, et évitez les excès de sucre et de gras. Profitez du jeûne pour détoxifier votre corps, mais faites-le de manière saine et réfléchie. Cela vous aidera à rester en bonne santé pendant et après le Ramadan.