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Comment la sexualité féminine s’est imposée dans le rap et le hip-hop

Sassies

 

“Extra-large and extra hard/Put this pussy right in your face/Swipe your nose like a credit card”. Non, ces paroles ne viennent pas d’un film porno, mais bien de WAP de Cardi B, qui a secoué la toile et n’a laissé personne indifférent. Au-delà des paroles très explicites, le titre confirme une tendance dans le rap et le hip-hop : la sexualité féminine et décomplexée prend de plus en plus de place sur la scène musicale.

Pour ceux qui ne l’auraient pas encore vu :

Hymne féministe à la révolution sexuelle ?

Les réactions outrées ne se sont pas attendre à la sortie du clip WAP mais posent une vraie question sur la perception de la sexualité féminine par l’opinion publique : En clamant haut et fort une sexualité libre et indépendante, Cardi B., Nicki Minaj et les autres participent-elles réellement à la libération des femmes ou ne font-elles qu'alimenter une misogynie millénaire ?

Copélia Mainardi dans son article De "Let's talk about sex!" à "WAP" : comment la sexualité féminine s'est peu à peu imposée dans le rap et le hip-hop, explique que l’hyper sexualisation des deux artistes dans le clip WAP, prolonge et rend visible un mouvement de déconstruction des codes et du carcan qui pèse depuis longtemps sur les femmes.

L’héritage de la Queen Bitch

Cependant, une chose est sûre : Cardi B et autres rappeuses telles que Nicki Minaj, qui avait enflammé la toile avec Anaconda “This dude named Michael used to ride motorcycles/Dick bigger than a tower, I ain't talking about Eiffel's/Real country-ass nigga, let me play with his rifle/Pussy put his ass to sleep, now he calling me NyQuil “, ne sont pas les premières à s’emparer de la sexualité feminine dans leur musique

« Queens, New York, 1990. "Let's talk about sex !", prie le groupe de hip-hop féminin "Salt-N-Pepa". L'année suivante, c'est au tour du duo BWP [Bytches With Problems] de proposer "Teach'Em" ("Apprends-leur"), sorte de tutoriel… à l'art du cunnilingus, alliant conseils pratiques et métaphores : "Part my pussy like the Red Sea / And slide your fat tongue inside of me" ("Sépare ma chatte comme la Mer Rouge / Et glisse ta grosse langue à l'intérieur"). La gente masculine est prévenue : "this lesson here might take all night / So on your knees, motherfu**er, and eat my pussy right". À bon entendeur. » Copélia Mainardi

 

Lil Kim

La révolution commence en 1996, quand Lil Kim s'affiche en bikini léopard échancré pour la promotion de son premier album studio, "Hard Core". Elle fait partie de cette nouvelle génération de chanteuses qui au lieu de subir les projections masculines sur leurs corps, décident de les contrôler : Place à la révolution du plaisir, qui doit être libre, puissante, décomplexée. Si elles ne sont pas les premières à revendiquer leur sexualité comme moyen d'affirmation de soi, elles parviennent à sortir cette tendance du cercle confidentiel.

 

« Les rappeuses doivent se battre contre toutes les injonctions contradictoires que la société impose aux femmes » Madame Rap

 

Le fait est que la femme qui chante les plaisirs du sexe, les bienfaits de la masturbation ou encore ses envies folles de se faire prendre est rapidement taxée d’aguicheuse, d’outrageuse, de femme fatale venimeuse : De pute. Dans la lignée d’un postféminisme grandissant, des artistes s’affranchissent de ces limitations misogynes et sexistes pour réaffirmer leur liberté sexuelle et devenir les actrices de leur propre sexualité.

Julia Lee ironisait sur l’éjaculation masculine en 1949 avec Don’t Come Too Soon, tandis que Bessie Smith souhaitait “a little hot dog on my roll” en 1931 sur I Need A Little Sugar on My Bowl. On retrouve tout au long de l’histoire de la musique bon nombre d’oppositions aux définitions erronées de la sexualité féminine qui viennent chambouler l’ordre des choses.

En tête de file, on retrouve évidemment Madonna et son légendaire Like A Virgin, considéré par beaucoup comme la pierre angulaire de la dédiabolisation de la sexualité féminine. Depuis 1985 et son tumultueux Justify My Love (censuré partout à sa sortie), Madonna aura su symboliser l’affranchissement des normes sociales pour exprimer à grande échelle la profondeur de ses passions et la ferveur de sa libido. Allant jusqu’à mêler les thèmes érotiques à ceux de la religion, la reine de la pop fera de l’érotisme et de la provocation sa marque de fabrique et ira même jusqu’à proposer en 1992 un manuel d’actes sexuels et BDSM sobrement intitulé SEX.

S’ensuivirent les années 2000, l’avènement de l’Internet et de l’importance majeure de l’audiovisuel. On n’écoute plus simplement la musique, on la regarde. Les images viennent alors nuancer, consolider, approfondir la portée des morceaux, porteurs de messages tant sonores que visuels. La nouvelle vague d’artistes féminines ne tardera pas à submerger le petit monde du R’n’B et le remettre en question.

C’est ainsi qu’apparaissent les girls bands fondés dans les années 90, dont TLC, Atomic Kitten ou Destiny’s Child. De ce dernier, on retiendra le nom de Beyoncé Knowles, Queen B pour les intimes, qui incarnera alors l’évolution fascinante de la figure bimbo dans le monde sexiste de la musique. Le vrai problème étant que la sexualité valorisée à l’époque par Beyoncé n’était pas la sienne, mais celle qu’on lui attribuait. Il faudra alors attendre 2013 et son cinquième album éponyme pour que la star dévoile des textes et une esthétique visuelle en accord avec la vision pro-sexe de la sexologue, écrivaine et sociologue féministe Carol Queens : 

“Les femmes se doivent d’embrasser leur sexualité sans dénigrer, médicaliser ou diaboliser l’une ou l’autre forme d’expression sexuelle si ce n’est celles qui ne sont pas consensuelles.”

On garde alors toustes en tête la chaleur brûlante de Partition, titre phare de l’opus qui, au cours d’un interlude francisé (langage du désir !), vient démentir les accusations multiples voulant mettre à mal le féminisme de Knowles :

« Est-ce que tu aimes le sexe? Le sexe, je veux dire l’activité physique, le coït, tu aimes ça? Tu ne t’intéresses pas au sexe? Les hommes pensent que les féministes détestent le sexe mais c’est une activité très stimulante et naturelle que les femmes adorent. »

 

 

Les années 2010 verront tomber une multitude de stéréotypes jusque-là considérés comme immuables. Désormais, la femme est forte, la femme est indépendante et la femme est sexuelle. Ariana Grande, icône adulescente à la voix d’ange ne se privera donc pas d’incorporer à ses tubes acidulés et relayés sur toutes les radios du monde des lignes charnues, explicitement sexuelles : “Nobody got me the way that you did/Had my eyes rolling back/Had me arching my back” sur Thinking Bout You, pour ne citer que celui-ci.

La sphère mainstream s’autorise, elle aussi, à aborder la sexualité féminine. Cependant, personne n’était prêt·e pour la version 2013 de Miley Cyrus. Avec son projet Bangerz, l’ancienne coqueluche Disney a ainsi causé l’indignation de toute l’industrie en proposant une image lascive, libérée et ultra-sexuelle, qui ne plaira visiblement pas au grand public.

C’est donc dans cet environnement mi-progressif mi-donneur de fessées que se sont dressées tout au long des années 2010 des porte-drapeaux explicites de libération sexuelle, s’emparant de la plateforme ultra publique qu’est la pop music pour y faire fleurir au grand air les évolutions féministes des décennies qui les ont précédées.

Avec comme figures de proue les rivales Cardi B et Nicki Minaj, le hip-hop US voit s’affirmer des reines de la sulfure et de la provocation sexualisée. Et alors que beaucoup seraient tenté·es de leur jeter la pierre pour cause de dégradation de l’image des femmes, subordination du rôle féminin à simple objet sexuel ou encore incitation à la sexualisation du jeune public, ces “bad queens” se révèlent être la personnification juste et nécessaire d’un féminisme dans l’air du temps. En instrumentalisant justement les préconceptions patriarcales apposées aux femmes depuis toujours, les nouvelles étoiles du hip-hop comme Doja Cat ou Kehlani intronisent solidement leur statut de “hoes” (comprenez putes) pour s’en faire maîtresses. Si elles sont les putes qu’on les accuse d’être, elles en sont aussi les proxénètes.

Non, la femme qui souhaite chanter les plaisirs humides du sexe, les bienfaits de la masturbation ou encore ses envies folles de se faire prendre n’est ni aguicheuse, ni outrageuse, ni femme fatale venimeuse, ni pute. La femme sexuelle est une femme, tout simplement.

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