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Sassies

Es-tu une bent darkom ?

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Une « Bent Darhoum » signifie qu’une fille reste souvent chez elle, qu’elle est soumise à l’autorité de ses parents et que donc, c’est une fille bien. Si l’expression est largement utilisée pour différencier « la fille bien » de celle de « petite vertu », elle porte en elle une violence incroyable. Pourquoi ? Car elle implique qu’une femme qui est visible et qui occupe l’espace public, qui n’appartient apparemment qu’aux hommes, est forcément une fille facile. Elle implique aussi que la valeur et la dignité d’une femme sont liées à son absence, à son effacement.

Cette semaine, j’ai eu le plaisir de discuter avec Houda, la fondatrice du compte Instagram @BentDarhoum, qui, en se réappropriant son identité et sa féminité à travers un baby rose, interroge, éduque et remet en question la masculinité toxique et le patriarcat (entre autres) à travers un féminisme marocain, fort et inspirant.

D’où est venue l’idée de créer ce compte ?

Je follow de nombreux comptes féministes étrangers mais je n’arrivais pas à m’identifier à certains sujets parce que même si nos combats sont les mêmes (égalité, parité, représentativité…), il existe des différences importantes liées aux dynamiques socioculturelles de chaque région. Je ne me sentais pas représentée en tant que femme marocaine sur les réseaux sociaux, alors qu’ils font partie de la vie quotidienne de la majorité des marocains.

Je pense aussi que la société sous-estime le pouvoir d’une plateforme telle qu’Instagram, alors qu’elle peut jouer un rôle énorme dans l’éducation et le développement personnel de quelqu’un grâce aux informations qui s’y trouvent. Donc j’ai attendu que quelqu’un prenne l’initiative de lancer un concept féministe purement marocain et puis un jour je me suis dit « pourquoi je ne le ferais pas moi-même ? ». On s’est lancées avec ma meilleure amie, sans forcément trop y penser, et ça a donné « Bent Darhoum » !

Qu’elle est la vocation de ce compte ?

Le but n’est pas de provoquer, mais plutôt d’être transparent. J’essaie de donner ma voix et celle des autres filles qui ont des vies similaires à la mienne. Le but est d’être sans tabou, sans « hchouma ». C’est le visage de plusieurs marocaines, qu’elles n’osent pas montrer en public. Le persona de bent darhoum est proche de la réalité de plusieurs femmes.

Mon but n’est pas de changer les choses, c’est un processus trop complexe qu’on ne peut accomplir tout seul. Mon but est surtout de soutenir. J’ai grandi au Maroc et quand j’étais plus jeune, je me sentais seule contre le monde. Je me disais à 15 ans que je devais simplement accepter que les femmes soient inférieures aux hommes. C’est grave de penser ce genre de choses mais en même temps, c’est normal de le penser parce que je n’avais aucun soutien. Je ne savais même ce qu’était le féminisme à l’époque, mais je me disais que ce n’était pas correct que les femmes soient traitées de cette manière.

Aujourd’hui, j’essaie de donner la force aux plus jeunes, de l’information, de soutenir, de donner une plateforme aux les femmes et à leurs alliés, pour qu’on s’unisse et qu’on fasse entendre nos voix.

Penses-tu la sororité existe au Maroc ? Penses-tu qu’éduquer puisse changer les mentalités ?

https://www.instagram.com/p/CBq6U5tlhG_/

Au Maroc, se détester entre femmes est un rite de passage. C’est ce qu’on nous a appris. Dès qu’on est ado, on comprend qu’il y a une sorte d’accord tacite sur la compétition entre femmes : les autres femmes sont nos rivales et on doit se sentir menacées par elles.

Mais, c’est possible de s’en défaire. Les mentalités ne sont pas éternelles. Une fois qu’on nous montre qu’il y a une autre manière de penser, qu’on n’est pas obligées de se détester, on peut sortir de ce schéma. Le fait est que les femmes au Maroc font partie du problème. La méchanceté féminine existe réellement.

Qu’elle est l’histoire derrière ton logo et les couleurs que tu utilises ?

Plus jeune, au primaire, je portais beaucoup de rose, c’était ma couleur préférée. Au collège, je me rappelle que j’ai fait un rejet du rose parce que c’est une « une couleur de fille ». Aujourd’hui quand j’y pense, je me dis que c’était ridicule.

En tant que femme, on traverse toutes une période de rejet du féminin et de la féminité et je veux me réapproprier la couleur rose, que j’ai appris toute seule à détester. Cela veut aussi dire qu’on peut très bien être féministe et accepter sa féminité. Le féminisme c’est aussi dans le choix, dans l’expression personnelle, on n’a pas à détester ce qui est traditionnellement lié au féminin pour être féministe.

« You can love pink and be a feminist »

Le logo a été fait par une artiste géniale, @collagebysara. Je voulais un logo moderne et traditionnel en même temps (lettres en arabe et en latin) qui d’une part, représente notre génération qui a grandi avec dans la mondialisation et d’autre part, représente la femme marocaine, traditionnelle et moderne en même temps, influençant le monde entier. Le point en zellij marque l’appartenance orientale.

Comment définirais-tu une femme marocaine aujourd’hui ?

Je pense qu’il n’existe pas « une » femme marocaine aujourd’hui. Le piège dans lequel on tombe, c’est qu’on veut définir le marocain, l’identité marocaine, la femme marocaine, alors qu’il en existe 36 millions. Nous avons tous vécu des expériences différentes dans le même pays. C’est très difficile de nous définir d’une seule manière.

« Ce n’est qu’au sujet des droits des femmes, qu’on nous dit que le Maroc n’est pas l’Occident. On ne peut pas piocher dans le progrès. »

Que signifie pour toi l’expression « On est au Maroc ici »?

https://www.instagram.com/p/CEkFQerlynN/

C’est une technique de « derailing ». « Hadchi machi dialna » est une phrase très hypocrite. Le Maroc qu’on connait aujourd’hui est basé sur l’Occident. On mange au Macdo, nos voitures sont allemandes… Ce n’est qu’au sujet des droits des femmes, qu’on nous dit que le Maroc n’est pas l’Occident. On ne peut pas piocher dans le progrès.

C’est aussi très marocain de dire qu’on est différents, qu’on a des particularités locales, mais c’est toujours lié aux droits des femmes. C’est très injuste.

D’autres pages à suivre ?

Féministes :

@womanup_morocco @briserlestabous @iti7ad_almaghribiat @chkonlalatlbnat

Sexed & taboos : 

@tabwow @jinsology_ @no.hchouma @edsmaroc

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