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Et si on arrêtait avec la pénétration ?

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Même si les spécialistes et les études s’accordent à dire et à prouver que le plaisir des deux partenaires provient peu souvent de la pénétration, la sexualité reste toute entière tournée autour. Les représentations de la sexualité sont encore dominées par l’idée stéréotypée que le sexe sans pénétration n’est pas du sexe. Une vision érigée en modèle, qui reste la norme sociale dans les esprits et qui prive les hommes et les femmes de jouir d’une sexualité apaisée, joyeuse, créative et libératrice où tout le monde prendrait son pied de façon égalitaire. Du coup, cette semaine on se pose la question : La pénétration doit-elle être remise en cause ?

Le mouvement #metoo a eu l’effet inattendu de remettre en cause les notions de consentement, du corps et du désir. La parole se libère autour de nombreux sujets et notamment autour du script de la sexualité qui consiste en l’enchaînement “préliminaires-pénétration-éjaculation”.

Un nombre incroyable de femmes a pris la parole pour exprimer l’idée que : Tout le monde ne jouit pas en étant pénétrée, et tout le monde n'a pas forcément envie d'être pénétré à chaque rapport. « Alors qu’une majorité de femmes n’y trouvent pas leur compte en termes de plaisir, nous persistons à accorder à la pénétration vaginale une place centrale dans notre répertoire sexuel », constate Maïa Mazaurette, chroniqueuse de « La Matinale »

Les femmes qui osent revendiquer leur plaisir contestent donc logiquement le caractère central de la pénétration, accusée d’être au service de la jouissance des hommes, et appellent à une sexualité qui s’affranchit des normes où tout le monde serait gagnant.

Une vision stéréotypée de la sexualité

La pénétration cristallise les rapports sexuels qui continuent à être divisés entre le « vrai sexe », là où il y pénétration, et les amuse-bouche (sans mauvais jeu de mots), c.à.d. tout le reste (BDSM, masturbation, sextoys, massages, fantasmes…).

Ces idées stéréotypées viennent de vieilles normes sociales qui nous empêchent de vivre une sexualité épanouie. Mais la révolution #Metoo a fait prendre conscience a beaucoup d’hommes et de femmes des mauvaises représentations qu’ils avaient de la vie sexuelle, du rapport au corps, essentiellement du point de vue du consentement et du désir mutuels. 

Ovidie, réalisatrice, journaliste, écrivaine et ancienne actrice porno française, interroge la révolution qu'a représenté Metoo dans la prise de conscience des mauvaises représentations :

« Le mouvement a considérablement rebattu les cartes des rapports hommes/femmes et ce, à tous les niveaux, que ce soit du point de vue de la charge mentale, dans notre façon de baiser, dans notre intimité. »

S’il était difficile il y a quelques années de critiquer la norme sociale, Ovidie ajoute que ce qu'il y a de révolutionnaire, c'est le simple fait d'interroger enfin la sexualité qui nous a toujours été donnée pour acquise. De plus, le docteur Damien Mascret explique que la sexualité masculine regorge de mythes, comme l'importance prépondérante donnée à la pénétration ou les besoins sexuels qui seraient plus forts chez les hommes. Ces stéréotypes illustrent les nombreux clichés entourant la sexualité masculine. Mais dans la réalité et dans l’intimité du couple, c'est bien souvent une toute autre histoire.

Martin Page qui a publié Au-delà de la pénétration déclare que la pénétration en tant que telle, est une pratique sexuelle parmi les autres. Au même titre donc que la masturbation ou le fétichisme par exemple. La pénétration soulève également une vraie question philosophique :

En ôtant la pénétration, on ôte l'acte de reproduction. Le sexe devient donc un acte de plaisir pur. Mais est-ce qu'on a vraiment le droit d'avoir des relations sexuelles uniquement pour le plaisir ?

Alain Héril, sexothérapeute déclare qu’aller "au-delà de la pénétration" est nécessaire. « Le fait que la relation sexuelle se définisse essentiellement par la pénétration d'un pénis dans un vagin c'est hyper machiste parce qu'on sait que les femmes, ce n’est pas par la pénétration qu'elles vont le plus avoir d'orgasme ».

Une performance en demi-teinte pour les femmes

Depuis déjà des décennies, nous savons que deux tiers des femmes n’atteignent pas l’orgasme par la seule pénétration vaginale. Nous savons aussi que leur corps n’est pas dysfonctionnel : « si le vagin était aussi sensible que le clitoris, l’accouchement serait encore plus douloureux. Les femmes refuseraient les grossesses, l’humanité disparaîtrait » d’après Maïa Mazaurette.

Toutes les études mettent en lumière le caractère relativement inefficace de la pénétration avec 50 % des femmes qui aimeraient donner plus de place aux autres formes de sensualité, comme les caresses (Ifop, 2019). 70% des femmes ne peuvent pas avoir d'orgasme si le rapport sexuel n'est envisagé que par le plaisir vaginal, du coup, bon nombre de personnes vivent une sexualité qui reste encore largement très phallocentrée.

La mécanique des corps qui s'emboîtent prévaut toujours inconsciemment dans les esprits, c'est ce que nous explique Martin Page d'après sa propre expérience : « Moi-même j'ai mis du temps avant d'en prendre conscience, j'étais très focalisé sur mon plaisir et sur la pénétration en pensant que mon plaisir était aussi celui ressenti par ma compagne. Je me suis rendu compte que tout ça était très mécanique. »

Nombreuses aussi sont celles qui pensent que, parce qu'elles ne ressentaient pas de plaisir par la pénétration, elles avaient un problème, ce qui est faux !

Tout reste à faire. Tout est à reconstruire

« A force de pénétrer, on oublie tout le reste »

Pour les hommes, la pénétration génère son lot de contrariétés : l’éjaculation rapide, les angoisses de performance ou de taille, la routine. Cette pratique peut réduire la sexualité à un seul organe au détriment d’une sensualité plus globale. Le phallocentrisme n’est pas qu’une question politique, il déborde sur nos terminaisons nerveuses : quand on utilise toujours les mêmes circuits cérébraux, on devient paresseux.

Pour Martin Page, « à force de pénétrer, à force de ne penser qu’à ça, on oublie tout le reste, on ne voit pas l’étendue du corps. Pénétrer c’est passer à côté et fuir. C’est penser qu’on fait l’amour alors qu’on s’en débarrasse. J’ai le sentiment qu’on pénètre pour cacher les sexes, ne pas les voir, comme si c’était une honte. C’est un aveuglement. […] Sans pénétration, tout le reste du corps est hypersensible et délicieusement hyperactif. Faire l’amour devrait être la rencontre des corps et leur conversation. »

Finalement, hommes et femmes sont autant prisonniers d'un système qui ne leur convient pas tout le temps. La sexothérapeute Marie-Noëlle Lanuit souligne de son côté les méfaits du diktat de la pénétration en tant que passage obligé et absolu :

« On prend conscience que le mot préliminaire est une injustice. Cela sous-entend que ce sont les prémices de la relation sexuelle avant quelque chose de plus important, avant la vraie relation sexuelle. »

Et selon elle, la pratique n’est pas près de disparaitre : « La pénétration est loin d’être has been, on commence à peine à parler de sexualité non pénétrative. »

Cette course à la pénétration serait donc un formatage devenu LA règle absolue. Mais alors, en suivant cette logique, comment font les seniors sujets à des problèmes érectiles ? Considère-t-on qu’ils ne fassent pas vraiment l’amour ? Et a-t-on malgré tout le droit d’aimer la pénétration sans passer pour un mouton hétérocentré ?

Conclusion

Seulement, comme l’écrit Martin Page dans son ouvrage Au-delà de la pénétration :

« La pénétration vaginale est une pratique symptomatique du génie humain : ça marche mal, ce n’est pas la meilleure manière d’avoir du plaisir, et pourtant c’est la norme. »

Pourquoi un tel acharnement ? Déjà, parce que notre imaginaire de la sexualité « légitime » tourne encore aujourd’hui autour de la reproduction. Ensuite, parce qu’il est difficile de changer les normes quand elles sont anciennes, intériorisées… et que le sujet est tabou.

Notre problème, ce n’est pas que les stratégies pro-pénétration existent (certaines produisent des résultats intéressants), mais qu’elles prennent la place d’une redéfinition du rapport sexuel. Tant que la pénétration vaginale sera synonyme de « vrai sexe », notre répertoire restera limité et relativement inefficace.

La règle est simple : il n’y en a pas. Cessons de catégoriser, amusons-nous, prenons notre pied sans peur du jugement ! La sexualité a cela de merveilleux : c’est un terrain où on peut laisser s’exprimer une forme d’animalité, de découvertes, de complicité.

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