Sassies
S'épiler ou pas telle est la question
Il est « normal » de penser que l’épilation est devenue une coutume, ou plutôt une injonction. Le corps des femmes ramené à un objet offert au désir des hommes et la banalisation des images pornographiques ont imposé un corps lisse, glabre et parfait. Mais dernièrement, ne pas s’épiler l’hiver voire ne plus s’épiler du tout est un choix que les femmes sont de plus en plus nombreuses à faire.
D’abord, un peu d’histoire.
Dans l’Égypte ancienne, il était d’usage de s’épiler intégralement le corps. À la Renaissance, les femmes s’épilent la tête pour dégager le front. Également, sous l’emprise de l’Église, l’épilation pubienne est largement pratiquée par la noblesse. A partir des années 1960, les jupes se raccourcissant, l’épilation des jambes rentre de plus en plus dans les mœurs, d’abord outre Atlantique pour devenir la norme dans le monde.
Les médias des années 1980 imposent une image des femmes aux corps de plus en plus dénudés. Le string devient une pièce fétiche et la pornographie encense l’épilation intégrale.
Enfin, de nos jours, le poil féminin est invisible, jusque dans les publicités pour rasoirs.
Aimer son corps au naturel
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Ces dernières années, sous l'impulsion de mouvements prônant l'acceptation de la pilosité féminine – du collectif français Liberté, pilosité, sororité créé en 2018 au mouvement québécois Maipoils initié en 2017, en passant par le défi du Januhairy lancé en 2019 par une étudiante anglaise – la parole se libère, en même temps que le courage de rejeter la norme du glabre.
De plus en plus de femmes font le choix de ne plus s’épiler. Le fait de garder, ou non, ses poils, doit être une décision intime, propre à chacune (et à chacun).
Les comptes Instagram comme #januhairy affichent de plus en plus de femmes qui gardent leurs poils. Soit pour des raisons pratiques, gain de temps entre autres. Soit pour faire passer un message : « Je ne m’épile plus le maillot et j’aime mon corps au naturel ».
Les réseaux sociaux sont au cœur de la stratégie de communication des "militantes du poil". Les communautés se multiplient, à l'image du groupe Facebook « Toutes au poil et poils pour toutes », ou encore du compte Instagram « Le sens du poil » qui a rassemblé 13.000 abonnés depuis son ouverture en mai 2019.
Anonymes et personnalités publiques s'affichent ainsi avec du poil aux pattes, sous les bras, plus rarement au niveau du maillot. Une célébration qui entraîne son lot d'insultes et de réactions outrées. Ainsi, quand le mannequin américain Emily Ratajkowski poste début août 2019 une photo d'elle avec des poils aux aisselles, les emojis vomi pleuvent. Elle aurait même perdu 12.000 abonnés lors de la journée de la diffusion de sa photo.
Faire ce que bon vous semble
Pour celles qui franchissent le pas de ne plus s’épiler, lever le tabou du poil féminin est surtout un puissant levier d'empowerment et de réconciliation avec soi-même.
Pour de nombreux commentateurs, le tabou du poil féminin ne serait pas un enjeu digne d'intérêt. Pourtant, comme l'écrivait l'intellectuelle féministe Germaine Greer en 1970, “l'imagination populaire, assimilant le système pileux à la fourrure, y voit un indice d'animalité et d'agressivité sexuelle. Les hommes le cultivent […]. Les femmes le dissimulent, de même qu'elles évitent de manifester leur vigueur et leur libido”.
Garder ses poils serait donc une façon de cultiver son pouvoir, d'abord sur soi-même, mais aussi au sein de la société. “Avoir des poils pour une femme, c'est comme parler plus fort : on prend plus de place dans l'espace public, on est visibles et ça dérange”, renchérit Janie, membre active du mouvement Maipoils.
Alors même si le diktat de l’épilation intégrale n’a pas dit son dernier mot, les choses bougent et il est peut-être temps de se demander pourquoi tant de haine envers nos poils ?
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